Bon, fidèle à mon blog égocentré, je vais vous livrer ce que j'avais écrit le 24 mai 2019 (sur Facebook):
Sur le chemin qui mène à mon bureau parisien, je passe parfois (en fonction des embouteillages matinaux) par le bois de Boulogne. (Bois dont la faune d’Amérique du sud aux mamelles en plastique proéminentes est de plus en plus dense, et à toutes heures. C’est peut-être à cause du printemps ?… Ou de la crise ?). A l'un des carrefours, obligé de s'arrêter au feu rouge, j'y croise toujours une clocharde hors d’âge: assise sur le trottoir en crapotant une cigarette, bras droit amputé, corps brûlé par le soleil ou la crasse, visage aux rides se confondant avec des cicatrices, petits yeux noirs regardant dans le vide, cheveux et habits ressemblant à une serpillière usagée. Bref, une véritable sorcière, que même le plus obsédé sexuel ne voudrait pas rencontrer dans les bois. A chaque feu devenu rouge, elle se levait vers les voitures, tapait méchamment sur la vitre avec le moignon de son bras droit, la mine exagérément grave (sans le moindre sourire, évitant ainsi l’exhibition de ses chicots) pour quémander pièces ou cigarettes. Et à chaque fois, à travers la vitre de ma voiture climatisée, je lui répondais par la négative avec un magnifique sourire de faux-cul (mais avec toutes ses dents), en espérant que le feu passe au vert le plus vite possible. Et dans la foulée, elle me répondait en redonnant vie à son regard par une fixation d'une seconde de mépris total à mon égard.
Nous n’étions donc pas des amis, parce que pas du même monde. De mon côté, je l'ai toujours considérée comme une pauvre créature complètement foutue, folle et certainement méchante. Je ne voyais pas l'utilité de discuter avec elle, de lui donner ce qu’elle demande, de l’aider en quoique ce soit (estimant au plus profond de moi, maintenant que j’y repense, que du haut de ma grandeur que mon argent et mon temps étaient plus importants pour moi que pour elle, cela s’appelle de l’égoïsme et peut-être de la « non-assistance en personne en danger ». Parce que même aussi méchante qu’elle puisse être, c’est tout de même une femme dont on sait combien l’espérance de vie est courte dans la rue.
Victor Hugo dans « les Misérables » montrait déjà la misère et la détresse humaine dans sa grande fresque de personnages plus malchanceux que méchants (ou l’inverse). Ma vieille clocharde en fait évidemment partie. Mais tout bien réfléchit avec mon inaction, mes lâches réflexions pour me donner bonne conscience allant jusqu’à me penser supérieur et donc prioritaire, le plus misérable, c’est moi !
Je suis un misérable ! Mea culpa, mea maxima culpa.
Mais pourquoi je vous confesse tout ça ?
Parce que ce matin, je suis re-passé par mon raccourci boisé, et, tout en pensant à Vincent Lambert (l’arrêt de vie, l’acharnement thérapeutique, …), j’ai eu une pensée qui pourrait se qualifier d’inhumaine (en plus d’être misérable, c’est ma fête !)
Ce matin donc, Elle était encore là au carrefour habituel mais couchée. Le corps recroquevillé comme un enfant sous de doux rayons du soleil, elle dormait. Visage moins ridé que d’habitude, plus détendu, dans ses rêves. Elle dormait ? Mais ne bougeait pas du tout. Cette image me remémora le poème d’Arthur Rimbaud « Le dormeur du val » et le doute s’immisça.
Et si elle était morte ?
« Tant mieux pour elle », pensais-je dans un premier temps.
Puis : « Honte à moi de ne pas l’avoir aidée ne serait-ce qu’une fois », suivi d’une autre pensée : « suis-je content qu’elle soit morte pour elle ou parce que je ne la verrai plus ? Qu’elle ne me dérangera plus dans ma bonne conscience de saint Yann-Erick ?, … » suivi d’encore une autre : « Ah ?! Finalement ce n’était pas une « professionnelle de la manche » ? (comme on le voit hélas trop souvent dans tous les lieux touristiques) »
Regardons les choses en faces : ma première pensée était tout de même « tant mieux qu’elle soit morte ! » (Et, bien que je sois contre par principe, cela correspond aussi à ce que je pense pour le cas de Vincent Lambert).
Voilà le danger ! Estimer que la mort soit plus douce que la vie. Que la mort soit la solution. Tellement plus rapide, simple et tellement moins coûteuse.
Un problème ? Ya qu’à supprimer !
C’est comme pour l’incinération : « corps décomposé pour décomposé autant le faire tout de suite, une urne prends prend moins de place qu’un cercueil ».
Certains sujets de société sortent du cadre pratique/législatif !
Le choix de fin de vie en fait parti ! Tout comme la reconstruction de Notre Dame.
Société de consommation, d’immédiateté, attention à ne pas confondre vitesse/efficacité et précipitation/regret.
AVANT TOUT prenons l’air (« R ») du temps : celui de la Réflexion et du Respect, passé comme du futur.
Décider du choix d’euthanasier n’est pas aussi simple que d’appuyer sur la touche « supprime » d’un clavier d’ordinateur.
Qui doit (et peut) prendre cette décision fatale sinon la personne elle-même ?
"Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits", on sait bien que ce n’est pas vrai avec la justice et encore moins la santé. Le «Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir» de La Fontaine est plus proche de la réalité. Sans oublier le fameux « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » de Rabelais.
Alors, attention aux orgueilleux savants dénués de la moindre compassion, empathie, humanité. Ne leur donnons pas un blanc seing ! Que nos « élites » nous laissent au moins la liberté de choisir notre mort (à défaut de pouvoir éviter qu’ils nous empoisonnent). « Liberté » qui fait partie de la devise de la France, on ne le rappellera jamais assez.
Encore faut-il user de sa liberté en toute conscience et connaissance.
Personnellement, à ce jour, je ne saurais que décider pour moi-même. Je n’ai pas le courage de me suicider et, quand je vois comme les animaux s’accrochent à la vie jusqu’au dernier moment, j’ai même peur de m’enfermer dans un choix que je pourrai regretter plus tard. « Pour tous ceux qui vivent il y a de l’espérance ; et même un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. » le nouveau Testament dans Ecclésiaste 9.2 le disait déjà à sa façon que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
En théorie, donc (et en toute logique) c’est quand même à la personne concernée de décider de son sort ET C’EST TOUT !
A partir du moment où elle est saine de corps et d’esprit, éclairée en son âme et conscience.. et sans tendance suicidaire, bien sûr.
je crains tout de même que nous ne trouvions trop systématiquement la mort comme une échappatoire, comme une solution pratique. Que nous la choisissions même par défaut face à des cas pourtant résolvables avec un peu d’effort et de temps (voire prières ?).
Un humain est menaçant, on le tue ?
Un humain est trop vieux ou malade, on le tue ?
Qu’elle sera la prochaine étape ?
Pour tout croyant, le respect de la vie est primordial. Mais la vrai Vie ne peut exister quand passant par la mort. Alors, face à cette contradiction faut-il les croire ?
Faut-il suivre la mouvance New Age et tous ces médiums qui vous disent qu’on est mieux dans l’Au-delà ?, et même qu’on peut se réincarner pour une vie meilleure ? Que nous sommes tous immortels ?
Mon crédo :
Je respecte Dieu.
Je respecte Sa création.
Je respecte donc la vie sous toutes ses formes et m’insurge envers ceux qui joue avec et/ou la détruise, avec autant de force que je comprends qu’on puisse la quitter pour abréger des souffrances incurables.
PS :
Cet après–midi, j’ai revu la clocharde. Elle est toujours en vie pareille à elle-même. Je ne lui ai pas donné la pièce pour autant.
Plus d' Info :
- En ce 11 juillet 2019 où Vincent Lambert a été "lâché" pour un monde meilleur, seul 13% des français ont donnés leur "Directives Anticipés" (déclaration écrite précisant ses souhaits de fin de vie).
Directives anticipées : dernières volontés sur les soins en fin de vie
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- MSN actualités du 11/07/19 - 20h00. (Par Alexandra Jaegy avec AFP) :
Le pape François a souligné jeudi que "chaque vie a de la valeur, toujours" en faisant référence dans un tweet à la mort du Français Vincent Lambert.
© Tiziana FABI / AFP Le pape François
Après la mort ce jeudi de Vincent Lambert, tétraplégique et en état végétatif de puis onze ans, le Pape a souligné dans un tweet que "chaque vie a de la valeur, toujours".
"Que Dieu le Père accueille dans ses bras Vincent Lambert. Ne construisons pas une civilisation qui élimine les personnes dont nous considérons que la vie n'est plus digne d'être vécue: chaque vie a de la valeur, toujours", a écrit le souverain pontife.
"Nous avons appris avec douleur la nouvelle de la mort de Vincent Lambert", avait déjà réagi plus tôt le Vatican dans un communiqué. "Nous exprimons notre proximité avec ses proches et avec tous ceux qui, jusqu'au bout, l'ont assisté avec amour et dévouement".
"Une défaite pour notre humanité"
Sur les réseaux sociaux, l'Académie pontificale pour la vie a jugé pour sa part que "la mort de Vincent Lambert et son histoire sont une défaite pour notre humanité".
Ancien infirmier de 42 ans dans un état végétatif depuis un accident de la route en septembre 2008, Vincent Lambert est mort ce jeudi matin au CHU de Reims, un peu plus d'une semaine après l'arrêt de ses traitements. Son cas, qui a déchiré sa famille, était devenu le symbole du débat sur la fin de vie en France.
Mort de Vincent Lambert: pour le pape "chaque vie a de la valeur"
Le pape François a souligné jeudi que "chaque vie a de la valeur, toujours" en faisant référence dans un tweet à la mort du Français Vincent Lambert.
- La dernière lettre d'Anne Bert, euthanasiée en Belgique le 2 octobre 2017 :
"Je m’appelle Anne Bert, j’ai 59 ans et suis atteinte depuis deux ans de la sclérose latérale amyotrophique, dite aussi maladie de Charcot ou SLA. Maladie neuro-dégénérative incurable et mortelle à très brève échéance, qui emmure dans son corps et paralyse progressivement tous les muscles jusqu’à l’asphyxie et la mort. La France nous interdit, en phase terminale ou face à l’inguérissable et aux souffrances insupportables, de bénéficier du droit à choisir l’euthanasie ou le suicide assisté, elle a préféré l’hypocrisie de la loi Leonetti qui ne garantie même pas le respect de nos directives.
Pour ma part, j’ai biaisé la violence de l’injonction de souffrir ce que l’on m'impose dans notre pays. C’est hors frontières et en femme libre jusqu’au geste létal et légal, qu’il sera mit un terme à l’horreur et aux tortures physiques et morales de mon emprisonnement, avec l’aide de médecins volontaires et humanistes. Ce choix si difficile rendu possible apaise mes derniers mois à vivre durant lesquels je n’ai cessé d’interpeller le gouvernement et les responsables politiques.
Ma vie s’achève, alors, pour clore ma contribution à cette lutte, avec la certitude que la littérature interroge et construit nos sociétés, j’ai tenu à écrire un livre intitulé Le tout dernier été*, pour dire autrement, sous le prisme du goût de la vie, comment je me suis réappropriée ma vision de la mort, bien au-delà du tabou de la fin de vie.
La ministre de la Santé m’a confirmé qu’elle ne veut pas rouvrir le débat sur le droit à choisir l’euthanasie en cas de maladie incurable ou en phase terminale. Lorsque ceux qui gouvernent la France ou exercent un pouvoir, nient la réalité sur une question fondamentale de la vie, alors les Français doivent œuvrer pour se faire entendre.
"Nous sommes tous concernés par la fin de vie et la mort, parfois beaucoup trop tôt"
Je m’adresse donc à vous, citoyens libres d’une France démocratique laïque, je suis sûre que vous prendrez le relais de ce combat pour qu’advienne cette loi française qui doit garantir à tous la liberté de choisir en son âme et conscience les soins palliatifs ou l’aide active à mourir.
Nous sommes tous concernés par la fin de vie et la mort, parfois beaucoup trop tôt. Penser la mort ne fait pas mourir, elle est inscrite dans notre existence. En faire un tabou nous soumet à la tutelle de la loi Leonetti et à celle du corps médical, qui nous trompent puisque même la sédation profonde et continue peut nous être refusée malgré nos directives et la désignation d’une personne de confiance.
Vous êtes plus de 90% à vous déclarer favorables au droit de choisir une aide active à mourir, dans un cadre strictement contrôlé. Près de 200.000 d’entre vous ont signé les pétitions mises en ligne depuis peu. Ce qui ne veut pas dire que vous aurez tous recours à l’euthanasie en fin de vie, vous réclamez simplement de pouvoir opter - lorsqu’il n’y a plus d’espoir de guérison – soit pour des soins palliatifs absolument conformes à vos directives, soit pour une aide active à mourir. Ce droit est basé sur les valeurs de la laïcité, comme il existe en Belgique depuis 2002. Il ne nuit pas à la liberté des croyants de toutes confessions, qui peuvent choisir de vivre leur agonie jusqu’au bout.
"Refusez le joug religieux qui entend soumette tous les français à la crainte de la loi de dieu"
Alors dites-le. Autour de vous, chez votre médecin, sur les réseaux sociaux et dans la rue s’il le faut pour y contrer une minorité obscurantiste, bruyante, qui se veut dominante. Réveillez les consciences sourdes ou endormies de nos dirigeants puisqu’ils vous confisquent le débat public sur cette évolution sociétale à disposer de vous-même jusqu’à votre mort.
N’acceptez plus que ceux qui sont aux responsabilités, cachés derrière la loi Léonetti, vous assènent sans vergogne et de concert avec certains médecins, sociologues et philosophes, des contrevérités au sujet de l’euthanasie. Ils tronquent la réalité, alimentent de leurs fantasmes la peur de légiférer sur le droit de choisir une aide médicale active.
Refusez le joug religieux qui entend soumette tous les français à la crainte de la loi de dieu, n’acceptez pas plus que des médecins refusent de vous rendre le pouvoir qu’ils détiennent sur la fin de votre existence.
Forte de mon expérience de fin de vie en France et de mon choix de trouver une terre plus hospitalière, je déjoue les arguments fallacieux et les fantasmes serinés un peu partout.
Non, la loi française n’assure pas au malade son autodétermination et elle n’est pas garante d’équité. Chaque équipe médicale agit, in fine, selon ses propres convictions et non selon les vôtres.
Non, la sédation profonde et censée être continue ne l’est pas, car fréquemment le médecin réveille l’agonisant pour lui redemander s’il persiste dans son choix, ce qui est contraire à la loi Leonetti.
Non, l’euthanasie ne relève pas de l’eugénisme, ce sont les Allemands nazis qui en ont fait en temps de guerre leur instrument diabolique et ont dénaturé ce mot grec.
"Non, l'euthanasie n’a pas encouragé les malades à choisir cette porte de sortie"
Non, la loi belge n’oblige pas le corps médical à la pratiquer et ce ne sont jamais les médecins belges qui décident d’euthanasier leurs patients. Seul le patient peut exprimer ce choix et doit trouver le docteur qui l’acceptera.
Non, la loi belge sur l’euthanasie n’a pas encouragé les spoliations d’héritage ni la liquidation des personnes âgées. Elle n’est pas non plus une solution d’ordre économique.
Non, elle n’a pas encouragé les malades à choisir cette porte de sortie - qui n’est jamais facilité - puisque seuls 2% des malades en fin de vie la choisissent.
Non, elle n’a pas non plus favorisé une multitude de dérives. Bien au contraire, la loi belge a balisé strictement l’aide active à mourir alors que près de 2 000 actes d’euthanasie clandestine- donc de facto criminels- sont pratiqués en France sans aucun contrôle, de façon notoire.
Non, le procédé létal n’est pas violent.
Non, le droit à l’euthanasie ne s’oppose pas aux soins palliatifs.
Et enfin non, je ne suis pas un cas particulier et exceptionnel. Légiférer sur l’euthanasie n’est pas répondre à l’individuel, mais bien à une volonté collective de pouvoir choisir en son âme et conscience ce que l’on veut faire des derniers instants de sa vie.
Les médecins français et quelques psychologues messianiques ne sont pas plus experts que leurs malades. Personne n’est plus à même que le malade incurable de décider de sa mort.
Nos gouvernants affirment ne pas entendre notre volonté à légiférer sur le droit à choisir une aide active à mourir?
Exigez, sans attendre, un débat public. Et en attendant cette loi qui se fera, Rédigez tous vos directives anticipées dès maintenant en stipulant que vous réclamez ce droit en cas de souffrances inguérissables."
Anne Bert
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