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 Élévation

Élévation

Parcours initiatique Philosophico-Spirituel à travers mes voyages, rencontres, discussions et lectures liées au paranormal et à l'ésotérisme.


Le guide complet des pentacles et prières de l'abbé Julio

Publié par Yann-Erick sur 17 Avril 2021, 12:21pm

Quelques questions sur le livre élaboré par Denis Labouré (actuellement en librairie).


Abbé Julio enrichi et commenté par Denis Labouré
Le guide complet des pentacles et prières de l'abbé Julio
Fabriquez soi-même les 46 pentacles
de l'abbé Julio et activer leur magie divine
(304 pages, 18 x 23 cm / éditions: Le lotus et l'éléphant)

Yann-Erick :
Bravo pour votre ouvrage si richement illustré et, de fait, tellement plus accessible que les fameux « reprints » des best-sellers de l’abbé Julio chez Bussière (« Grands secrets merveilleux pour aider à la guérison de toutes les maladies physiques et morales », …). Vous précisez d’ailleurs chercher à « rendre aux écrits de l’abbé Julio toute leur authenticité » en rectifiant certaines erreurs (page 8 : « … le numéro du verset est parfois erroné, et la transcription dans l’alphabet sacré représentée sur les pentacles oublie ou ajoute parfois une lettre ou un mot »). 
- En plus d’avoir été conçu après de mûres réflexions, d’être beau et concis (bravo pour vos commentaires si pratiques) ; devrais-je en conclure que votre livre serait à lire en priorité avant ceux de l’abbé Julio ? Ou même que ces derniers sont carrément obsolètes ?

Denis Labouré :
Le contenu des livres de l’abbé Julio n’est pas obsolète. Mais il faut tenir compte de trois choses :

1.      Ce qui était culturellement évident à son époque ne l’est plus. Un travail éditorial important est donc à faire. Pour nous en tenir aux pentacles, n’importe quelle thématique représentée « parlait » immédiatement au lecteur de la fin du XIXe siècle. Même si ce n’était pas une compréhension intellectualisée, le lecteur baignait dans de telles représentations. Aujourd’hui, un professeur d’histoire de l’art s’arrache les cheveux devant des tableaux dont les scènes n’évoquent plus rien à ses étudiants.

2.      Tels que sont les livres chez Bussière, tout est mélangé. Par exemple, ce qui concerne les pentacles est disséminé un peu partout. Il faut faire un travail de pédagogie domaine par domaine pour assurer la transmission. D’autre part, les gens qui se servent de l’abbé Julio ne le lisent pas. Ils vont dans l’index et piochent la prière ou le psaume recommandés pour leur problème. On le voit à des questions qui me sont souvent posées : « Où puis-je trouver du parchemin animal vierge ? » alors que la prière pour consacrer un parchemin évoque « cette créature de papier »… Ou alors ils s’en tiennent à une médaille achetée dans une boutique, ce qui n’a plus aucun sens.

3.      Il y a enfin le problème d’un certain clergé. La majorité des prières de l’abbé Julio sont une traduction des prières contenues dans un « Bénédictional romain » du XVIIe siècle.  Tout ce qu’il y a de plus officiel à l’époque.  J’ai souvent demandé « Qu’est-ce qu’un bénédictional romain ? Où puis-je en trouver un ? » lors de mes études de théologie (j’ai un Master2 et une licence canonique). Aucune réponse. Errant dans la librairie du sanctuaire de Lourdes, je tombe alors sur le « Livre des Bénédictions » édité en 1988 par le Vatican (en français) et en vente totalement libre (on le trouve à la Procure, sur Amazon), etc. Bien sûr, on n’y trouvera pas de pentacles ou certaines prières prises dans tel ou tel grimoire, mais un index du type de celui des livres de l’abbé Julio renvoyant aux bénédictions pour les diverses circonstances. Avec cette introduction de la « congrégation pour le culte divin » : « Le même Concile a en outre décrété que les bénédictions réservées [aux prêtres] seraient en très petit nombre… C’est pourquoi cette congrégation, par mandat spécial du souverain pontife, rend public le Rituel des Bénédictions… ». D’une part, l’abbé Julio avait eu raison trop tôt en mettant cela dans les mains de tous, d’autre part les prêtres interrogés ne savaient pas que ça existait…

Yann-Erick :
S’il vous plaît, quelques informations supplémentaires sur l’abbé Julio dont vous avez si bien su vulgariser la façon de penser (et de guérir).
L’abbé Julio est né en 1844 en Mayenne dans la même ville que Robert Tatin (qui a une maison et un jardin à visiter absolument, à Cossé-le-Vivien donc).
L’hermétisme chrétien étudié et appliqué par l’abbé Julio, ses dons de guérisseur (transmis en 1888 par un certain Jean Sempé qui lui rappelle que « le Christ a transmis ce pouvoir à tous ses disciples, pas seulement aux apôtres ») le font se détourner de l’église catholique romaine (page 9 : « Ayant quitté la Touraine et l’Eglise catholique, il installe une petite chapelle indépendante en 1901 »).
C’est lui ou son évêque Monseigneur Richard qui est l’initiateur de cette séparation ?

Denis Labouré :
C’est l’archevêque. En fait, l’abbé Julio avait dénoncé un certain nombre de scandales, ce qui avait déplu à Mgr Richard. Pour vous donner une idée de l’ignorance en matière de symbolisme, Mgr Richard se plaignait que les francs-maçons soient infiltrés dans toutes les églises : la preuve, on trouve dans presque toutes des représentations de triangles…

Yann-Erick :
Savez-vous si la chapelle qu’il a construit lors de son sacerdoce tourangeau existe toujours ?

Denis Labouré :
A ma connaissance, il n’a pas construit de chapelle.

Yann-Erick :
En fait, à part ses écrits qui tombent de plus en plus dans l’oubli, que reste-t-il de cet homme ?

Denis Labouré :
Je ne suis pas sûr que ses écrits tombent de plus en plus dans l’oubli. Ils sont en vente constante, comme vous le dira n’importe quel librairie spécialisée. C’est aussi ce que nous constatons de notre côté avec les livres que nous lui avons consacrés.
https://spiritualite-occidentale.com/collection-theologia/149-les-prieres-de-l-abbe-julio.html
https://spiritualite-occidentale.com/collection-theologia/19-les-pratiques-de-l-abbe-julio.html
Enfin, vu le nombre de sites charismatiques qui demandent de « se méfier des livres de l’abbé Julio », c’est qu’ils en connaissent toujours l’existence !

Yann-Erick :
« En toute chose il faut considérer la fin » comme disait La Fontaine :
- Savez-vous comment et de quoi est mort l’abbé Julio en 1912 (en Suisse à Genève) ?
- Utilisait-il pour lui ses pentacles et prières face à la mort ?
- A-t-il gardé la foi en ses écrits jusqu’au bout ?
Mon esprit taquin me fait penser que pour naître en Mayenne et finir sa vie en Suisse, l’abbé Julio aimait peut-être autant Dieu que l’argent.
- Ne se serait-il pas perdu dans des pratiques d’un autre âge plus lucratives que spirituelles ?

Denis Labouré :
Non, il a été pauvre d’un bout à l’autre de sa vie. Il n’a rien laissé, il n’avait pas un sou. Pour la Suisse, il y a une raison religieuse. Après sa rupture définitive avec Rome, il eut des contacts avec l’Eglise « Vieille-catholique », également nommée « Catholique-chrétienne » en Suisse. En 1869/1870, quand fut votée l’infaillibilité pontificale au Concile Vatican I, beaucoup d’évêques la rejetant fuyèrent le Concile avant le vote. Deux évêques votèrent contre. Des évêques d’Allemagne, de Suisse et de Hollande créèrent alors une Eglise catholique « sans Rome », nommée « Vieille Catholique ». Pour des raisons évidentes (la France envahie en 1870 par les allemands), les évêques français ne suivirent pas. Cette Eglise vieille-catholique existe toujours. C’est en Suisse (Berne) que Julio reçut sa consécration d’évêque en 1904, tout en restant indépendant. Mais cela lui permettrait de consacrer à son tour quelques personnes pour que son travail se transmette.

Précision : ne pas confondre l’Eglise Vieille-catholique (une des trois religions officielles de la confédération Helvétique sous le nom « Catholique-chrétienne ») et la multitude de petites sectes douteuses (avec un business de désenvoûtement) qui reprennent cette appellation en France. Ce dont on parle ici, c’est des Eglise de l’Union d’Utrecht.
https://christkatholisch.ch/fr/lunion-dutrecht/

Yann-Erick :
Votre livre propose de fabriquer les pentacles de l’abbé Julio et des prières sur parchemin. Vous en expliquez la conception (alphabet codé pour plus de concentrations sur les phrases de la bible, symboles universels, …) mais aussi comment les activer (consécration, …) et vous l’associez à « la magie Divine ».
- Est-ce le moyen le plus efficace pour être (si ce n’est exaucé) écouté par Dieu ? N’y a-t-il pas mieux ? L’eucharistie, par exemple ?

Denis Labouré :
Ne confondons pas les sacrements et les sacramentaux. Il ne serait pas venu une seconde à l’idée de l’abbé Julio qu’un utilisateur de ses livres n’ait pas une vie chrétienne « normale » à l’époque. Les neuvaines existent toujours en milieu catholique, les médailles aussi (voir la médaille miraculeuse de la rue du Bac ou les Agnus dei). Tout cela, ce sont les sacramentaux (en langage théologique) qui viennent en soutien aux sacrements proprement dits.

Yann-Erick :
Le dicton « il vaut mieux avoir à faire (s’adresser) à Dieu qu’à ses saints » ne serait-il valable que dans le milieu du travail ? Dieu serait plus sourd à nos tracas et appels à l’aide sans les pentacles, prières sur parchemin et oraisons mystérieuses ? 

Denis Labouré :
Si vous êtes dans la souffrance, si votre enfant vient d’avoir un accident grave, pouvez-vous aussi simplement faire le silence intérieur, entrer en contact avec Dieu, et communier avec lui dans le silence ? Alors qu’il est encore possible de « faire » quelque chose. C’est une ascèse de volonté qui traduit un appel. Lisez bien le livre. Il est clairement dit que la préparation du pentacle est l’occasion d’un acte d’amour, et qu’à la limite une fois terminé il n’est dans l’absolu plus vraiment utile. (les médailles des boutiques ne servent donc à rien.) Il est un support d’élévation. Il est aussi précisé qu’en cas de situation grave, la messe devient un point d’appui nécessaire.

 

Yann-Erick :
Page 65, vous partagez un témoignage de succès avec le pentacle de la Trinité sainte et une personne qui devait se faire opérer d’une tumeur au cerveau. (Je n’ai pas vu par contre de témoignage sur la prière N°1 « Pour gagner à la loterie, aux jeux permis et connaitre les choses sacré » proposée page 260.) 
- Avez-vous vécu une réussite avec l’un des pentacles ou prières présentés dans votre livre que vous auriez personnellement utilisé ? Si oui, pourquoi ne pas l’avoir ajouté dans le livre ?

Denis Labouré :
Pour cette prière, deux choses :
1/ Il y a une mise en garde très claire de l’abbé Julio (page 257).
2/ Je n’avais pas mis ces prières dans le manuscrit ; c’est l’éditeur qui les a imposées.

Yann-Erick :
Vous êtes un astrologue réputé et reconnu et aussi un théologien chrétien.
En parcourant vos écrits, en visitant votre site (https://spiritualite-occidentale.com) et en vous écoutant sur le Net (https://www.baglis.tv/intervenants/2223-denis-laboure.html), à l’évidence nous serions soumis à l’influence des planètes et à des missions de vie imposées par Dieu (le fameux déterminisme)

Denis Labouré :
Si vous avez compris que nous étions soumis à l’influence des planètes et à des « missions de vie »,  c’est que je me suis mal exprimé, mais je ne me souviens pas avoir utilisé de tels termes. Il ne faut surtout pas confondre fatalisme et destinée. Le fait que le ciel soit porteur d’un sens (et non d’une influence) relève de la Révélation naturelle, dont témoignent les Mages de l’évangile (ils ont décodé la configuration qu’ils ont observée, puisqu’ils foncent vers Jérusalem avant que l’astre ne prenne une dimension miraculeuse). Cf. Mt 2, 2 ; Ps 19, 2 ; Rm 1, 20 ; Sg 13, 5 ; etc. Sur cette question de l’astrologie, je vous renvoie à Saint Albert le Grand, saint Thomas d’Aquin, le Cardinal Pierre d’Ailly, Charles de Condren, et une légion d’autres.

Yann-Erick :
Dans la même idée d'une "haute planification", ne serait-ce pas faire offense à Dieu d’en décider autrement en utilisant cette « magie divine » à coup de pentacles et prières ?

Denis Labouré :
Ne serait-ce pas faire offense à Dieu d’utiliser un médicament quand on est malade, si c’est là une épreuve qu’il a envoyée ?

Yann-Erick :
Le guérisseur, même en voulant faire le bien, aider son prochain au nom de Dieu, ne ferait-il pas plutôt de la sorcellerie car contrecarrerait les plans Divins ?

Denis Labouré :
La différence entre la magie (au sens vulgaire) et ce qui est fait ici, c’est qu’en aucun cas il n’y a de contrainte envers le divin. C’est très clairement dit un peu partout. Et aucune des thématiques employée n’est la création d’un mage à titre personnel. Le Soleil brille de toute éternité, mais nous devons nous disposer à recevoir (ouvrir les volets) si nous voulons que sa lumière inonde la pièce.

On ouvre le volet et ensuite, la lumière fait ce qu’elle veut dans l’ordre qu’elle veut. C’est « Que ta volonté soit faite, et non la mienne ». Mais vu le contenu des évangiles, on ne se trompe guère en pensant que la guérison (au sens à la fois spirituel et physique du mot « salut » en grec), c’est ce que veut  le Christ. Ou alors, si Dieu envoie les maladies, il a passé son temps à contrarier les desseins du Père.

Yann-Erick :
Justement que penser des guérisons miraculeuses effectuées par Jésus-Christ (et à Lourdes) ?

Denis Labouré :
Le plus grand bien. Ce qui n’empêche pas les Hébreux d’avoir été guéris par la vue du Serpent d’Airain, la femme d’être guérie en touchant le manteau du Christ, les passants d’être guéris par l’ombre des apôtres ou même leurs linges (Act 3), etc.

Yann-Erick :
A l’inverse, si nous avons notre libre arbitre, si Dieu nous aime « peut se laisser toucher », bref que nous sommes maîtres de notre destinée (éventuellement même par l’intermédiaires d’anges, saints, pentacles et autres rituels sacrés) cette théorie des influences cosmiques (voir karmiques) ne s’annule-t-elle pas. 

Denis Labouré :
Je ne crois ni au karma ni aux influences cosmiques. Comme Plotin ou Origène (et comme dans l’évangile de Mt), les astres sont des signes et non des causes. Et un thème astrologique ne contient ni un caractère ni des événements. Il contient des symboles. La vie que je mène est une interprétation possible de cette partition (une métaphore de ce qu’indique le ciel) sans être la seule.

Votre question est beaucoup plus globale dans ses conséquences. Dieu peut-il intervenir par des causes secondes ? Et si Dieu est tout-puissant, qu’est-ce qui nous garantit la pérennité des lois naturelles ? C’est tout le problème de la potentia ordinata face à la potentia absoluta qui se trouve là.

Yann-Erick :
S’il vous plaît, quelques informations supplémentaires sur vous Denis Labouré :
Votre nom de famille, a-t-il une connexion quelconque avec la famille de Catherine Labouré de la Chapelle de la médaille miraculeuse rue du Bac ?

Denis Labouré :
Formellement ça n’a jamais été établi, bien qu’une vieille tradition familiale ait laissé entendre l’inverse (la famille est originaire de Côte d’Or, la même région).

Yann-Erick :
Vous êtes diplômé d’astrologie Indienne, d’astrologie médiévale et de théologie chrétienne (ce qui, à première vue, ne va trop ensemble). Qu’en tirez-vous spirituellement parlant ?

Denis Labouré :
Je vous laisse l’appréciation. Si saint Augustin avait la même, des docteurs de l’Eglise tout aussi éminents avaient la vision contraire. J’en tire ce que dit le Livre de la Sagesse : La grandeur et la beauté des créatures conduisent par analogie à contempler leur Créateur » (13, 5).

Yann-Erick :
Quelle est votre religion ?

Denis Labouré :
Catholique romain.

Yann-Erick :
Quel a été l’élément déclencheur qui vous a mis sur votre voie ?

Denis Labouré :
Une recherche spirituelle depuis mon plus jeune âge. J’ai eu la chance de lire Guénon très tôt, ce qui m’a immunisé contre la confusion du psychique et du spirituel. Et donné le goût du symbolisme. Même si avec le temps, j’ai vu les carences sur le plan du christianisme.

Yann-Erick :
Quelle est votre compréhension de Dieu ?

Denis Labouré :
Amour diffusif.

Yann-Erick :
Pour vous, le diable existe-t ’il ?

Denis Labouré :
Redoutable question. Ma réaction immédiate serait de répondre : « Dites-moi ce que vous entendez par « le Diable » et je vous dirai ensuite si j’y crois. » Pour ne pas éluder, je vous dirais que je crois à l’action d’une puissance du mensonge (pour reprendre les termes de l’évangile).

Yann-Erick :
Quelle est votre définition de « la magie divine » ?

Denis Labouré :
Si vous parvenez, ne serait-ce qu’une seconde, à laisser le silence se faire en vous et à communier avec l’Amour en acte, il en découle des conséquences collatérales. Celles-ci, qui ne sont pas recherchées pour elles-mêmes, sont nommées « guérisons » (au sens large), faute d’un meilleur mot. Tout ce qui aide à se disposer à recevoir est le bienvenu, mais ça relève du « truc pédagogique », du marchepied.

Yann-Erick :
Vos études et pratiques depuis des décennies vous ont certainement apporté un grand savoir. Pour celui qui n’est qu’au début du chemin, que donneriez-vous comme conseil (ou information) que vous estimez primordiale ?

Denis Labouré :
Ne pas confondre le psychique et le spirituel. Le sacré n’est pas le parapsychologique.

Yann-Erick :
J'ai bien compris le message. Cela méritera que l'on se rencontre un jour pour en parler plus longuement.

Pour finir, une petite question subsidiaire :
Comment pourra-t-on calculer le thème astrologique du premier né sur Mars ? De par sa naissance, sera-t-il plus combatif que nous autres ?

Denis Labouré :
L’astrologie n’est pas géocentrique, elle est topocentrique. Où que l’on soit, les astres apparaissent dans certaines directions. Les coefficients des marées sont calculés en prenant la Terre pour centre… Et pour être à mon tour taquin, je vous rappellerais qu’en 1414, c’est l’astrologie qui a largement contribué à sauver l’Eglise catholique (via l’intervention du cardinal Pierre d’Ailly pour régler la question des trois papes). Cf. texte de ma conférence ci-dessous.

Conférence de Monsieur Denis Labouré
Astrologie et religion au Moyen Âge

(De la révélation naturelle à l’astro-théologie de Pierre d’Ailly)

En préalable

Cet exposé[1] évoque la rencontre de l’astrologie avec la théologie chrétienne et le rôle qu’elle joua dans l’histoire médiévale. Pour explorer cette double question, nous diviserons le sujet en trois parties.

  1. En premier lieu, nous reviendrons aux Écritures et à la notion de « révélation naturelle », habituelle chez les Pères, et qui trouvera son apogée à la Renaissance.
  2. En second lieu, nous visiterons quelques étapes de la rencontre entre l’astrologie et le christianisme chez les Pères.
  3. Enfin, à titre d’exemple, nous explorerons le rôle que tint l’astrologie dans la résolution de la plus grande crise qu’ait connu la chrétienté médiévale, à une époque où trois (et non plus seulement deux !) papes se disputaient le pouvoir.

 

1. Des Écritures à la révélation naturelle

L’épisode des mages

Le rabbi Ieschoua (latinisé en Jésus) naît à Bethléem, à 6 km au sud de Jérusalem, dans la Judée. Une ville connue comme siège de la famille de David[2]. Au temps du roi Hérode le Grand[3], c’est-à-dire avant l’an – 4, voici que des mages vinrent d’Orient, de l’est (ἀπὁ άνατολὢν)[4]. La contrée n’étant pas précisée, il peut s’agir de l’Arabie, de la Perse ou de Babylone.

L’ordre de Mages (Μάγοι) était bien connu dans l’antiquité gréco-romaine. Dans le livre 1 des Histoires, Hérodote considère qu’à l’origine, les mages étaient des membres de la caste sacerdotale des Mèdes et des Perses. Ils possédaient un talent particulier pour interpréter les rêves. Dans la période hellénistique, ils développèrent une réputation d’expertise dans plusieurs techniques divinatoires, particulièrement l’astrologie. En tant que tels, ils furent estimés ou condamnés, selon le point de vue des auteurs gréco-romains. Comme Hérodote, les Pères ont vu en eux les membres d’une tribu persane aux fonctions sacerdotales, experte dans l’interprétation des phénomènes célestes, comme en témoignent les vêtements (chiton, bonnet phrygien) des représentations (mosaïques de Ravenne par exemple). Le texte n’indique pas le nombre de mages présents.

Ces Mages arrivent à Jérusalem. Ils s’enquièrent du « roi des Juifs qui vient de naître » dont ils ont vu l’astre « à son lever » (έν τῇ ἀνατολῇ, v. 2, cf. v.9)[5]. Constatons qu’ils ont doublement interprété le phénomène astronomique observé[6] ; ils en ont déduit un sens (la naissance du roi des Juifs) et une contrée (la Palestine).

Il s’agit donc d’un acte astrologique. Mais pas de n’importe quel type d’astrologie. Les Mages, nous retrouverons cela chez les Perses et Pierre d’Ailly saura s’en souvenir, constatent la naissance d’un prophète ou d’un roi. Il s’agit d’astrologie « mondiale » (astrologie portant sur les collectivités) et non des nativités (thèmes dressés pour connaître le destin des particuliers).

Comme nous le savons depuis Kepler, ces mages avaient probablement relevé la conjonction de Jupiter et Saturne en Poissons, exacte à trois reprises ; le 29 mai de l’an -7, le 1er octobre suivant, puis enfin le 5 décembre. Cette conjonction fut rejointe en février et mars de l’an -6 par Mars, formant une triple conjonction très lumineuse[7]. Après avoir, immédiatement après le coucher du soleil, noté le lever héliaque de cette configuration, ils allèrent dans la capitale interroger le maître des lieux.

Hérode s’enquit auprès d’eux du lieu où, selon les Écritures, devait naître l’enfant. « À Bethléem de Judée, lui dirent-ils ; ainsi, en effet, est-il écrit par les prophètes Michée et Samuel : ‘’Et toi, Bethléem, terre de Juda, Tu n’es nullement le moindre des clans de Juda ; Car de toi sortira un chef qui sera pasteur de mon peuple Israël[8].’’ » Alors Hérode manda secrètement les mages, se fit préciser par eux le temps de l’apparition de l’astre. Il les envoya à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner exactement sur l’enfant ; quand vous l’aurez trouvé, avisez-moi afin que j’aille, moi aussi, lui rendre hommage. » Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route.

Voici que l’astre, qu’ils avaient vu à son lever, prit une tournure miraculeuse, relayant l’information acquise par leur art. L’astre les précédait jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter à l’endroit où était l’enfant. La description du mouvement de l’astre en Mt 2, 9 peut avoir pour modèle le mouvement de la nuée qui guidait les fils d’Israël dans Nb 9, 17 et Sg 10, 17 et 18,3.

Quand un enfant mâle naissait, les proches, les amis, les voisins et les étrangers défilaient dans la maison, dès le jour de la naissance, pour apporter des présents et féliciter les parents du don divin qui leur était maintenant confié. Cette coutume permit aux mages – pourtant étrangers – de pénétrer dans la maison avec des cadeaux. Les mages rendirent hommage à l’enfant ; ils lui offrirent en présent des richesses et des parfums d’Arabie[9] ; de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Après quoi, avertis en songe de ne point retourner chez Hérode, ils empruntèrent une autre route pour rentrer dans leur pays.

Ainsi, les Écritures chrétiennes ne sont pas exemptes d’allusions à l’astrologie. Son imagerie est omniprésente dans l’Apocalypse. Quand au modèle du ciel, comment rendre intelligible la phrase de Paul « Cet homme-là fut ravi jusqu’au troisième ciel[10] » en méconnaissant la cosmologie en vigueur au début de notre ère ?

Les premiers chrétiens durent se confronter au fait que, selon leurs propres Écritures, le ciel était porteur de sens. Les Mages avaient-ils localisé – géographiquement et temporellement – le Sauveur par l’astrologie ? Quelle conclusion en tirer pour la licéité de la pratique astrologique ? Comment interpréter le fait que le Sauveur soit né sous une configuration céleste particulière ?

Nous verrons naître deux types de réponses : une acceptation, même si c’est sous condition, et un rejet. Le rejet sera généralement motivé par la volonté de se démarquer de la philosophie et de la cosmologie païennes. Il considérera l’astrologie comme caduque depuis l’Incarnation, ou comme illicite. C’est le cas de Justin, Tertullien, Éphrem le Syrien, Lactance, Ambroise. L’attaque la plus virulente proviendra d’Augustin, qui ajoutera des arguments se voulant « rationnels » (et plus seulement théologiques).

Les premiers Pères

Le courant plus favorable à l’astrologie est constitué par ces Pères de l’Église qui ne tarissent pas d’éloges envers l’ordonnance merveilleuse du monde. Ils l’admirent comme un chef-d’œuvre divin. Cette admiration implique l’admission d’un cosmos, d’un univers organisé dont toutes les parties sont en relation et tendent vers le même but : chanter la gloire de Dieu.

Le monde est un miroir dans lequel Dieu se fait contempler. L’Invisible manifeste son être et sa puissance dans l’univers visible[11]. Toute œuvre dénote son auteur « car la grandeur et la beauté des créatures conduisent par analogie à contempler leur Créateur[12] ».

Le Créateur a révélé son dessein dans sa création. Il a invité les savants à le connaître par ses œuvres, surtout dans ses parties les plus sublimes. Elles élèvent notre esprit vers la lumière d’en haut. Selon certains Pères, la science chaldéenne d’Abraham[13] et la science égyptienne de Moïse[14] en témoignent. Abraham apparaît ainsi comme astrologue dans Josèphe (37-100) [15] et Eupolèmus, cité avec Josèphe par Eusèbe (vers 265-339).

Philon (25 av. J.-C.–50) et Clément (vers 150–vers 215) affirment que l’instruction de Moïse avait inclus l’astrologie. Philon traite l’astrologie avec une grande bienveillance. Elle tient une place à part dans les connaissances humaines. Il affirme que le jeune Moïse fut instruit par les plus grands maîtres de l’Égypte pour les mathématiques, la musique, la philosophie des symboles, de la Grèce pour l’éducation générale, et qu’il apprit aussi la langue assyrienne et la science chaldéenne de l’astrologie[16]. C’est la reine des sciences. Par elle, par le spectacle des astres et de leurs mouvements harmonieux, la philosophie pénètre dans l’âme humaine. 

Chez Origène (vers 185-vers 253), nous trouvons un symbolisme de l’espace et du temps sacré, une topographie céleste et une spéculation sur les temps qui encadrent les descentes et les remontées des esprits. Acceptant que les astres soient, en tant que signes comme le voulait Plotin (204-270) [17], les instruments intelligents de Dieu, Origène compare les astres à des caractères d’écriture et le ciel à la Bible. L’adoration des Mages ne montrait-elle pas qu’ils avaient correctement interprété les signes du ciel ?

Enfin, Isidore de Séville, reconnaissant la légitimité de l’étude de la nature pour elle-même, entrouvrira la porte à l’astrologie en distinguant l’« astrologie naturelle » de l’« astrologie superstitieuse ».

Dieu parle le monde. Il parle à l’homme à travers le monde. Dieu et l’homme se parlent à travers le monde. Le Logos de Dieu l’anime et son Souffle le fait tendre vers la plénitude et la beauté. Et tous deux sont « les mains du Père », selon une expression chère à Irénée. Alors le monde apparaît comme un océan de symboles. Le symbole anticipe ou manifeste l’Incarnation du Verbe, en faisant de la création une immense théophanie.

Citant Scot Érigène (vers 800 à 815–vers 876), le cardinal de Lubac écrit :

« À partir de la ‘’simplicité de la lettre et de la création visible’’, nous devons ainsi, par degrés, nous laisser conduire ‘’jusqu’au sommet de la contemplation’’. »

Chaque chose est un signe où Dieu se fait connaître à nous[18]. Par l’étude du Livre du monde, nous pouvons accéder à son auteur. C’est la révélation naturelle, que le Moyen Âge et la Renaissance reconnaîtront comme telle. Le Moyen Âge et surtout la Renaissance considéreront que l’Incarnation fut précédée par deux révélations parallèles : la révélation prophétique à Israël (personnifiée par Moïse) dont nous avons reçu l’Ancien Testament, et la révélation naturelle aux Grecs (personnifiée par Hermès), qui nous a laissé le Livre du Monde.

2. Vers la pensée médiévale

 L’astrologie a-t-elle sombré dans l’oubli ?

Il fut longtemps considéré que l’intérêt pour l’astrologie et sa pratique déclinèrent au point d’entraîner sa quasi-disparition, les condamnations par les Pères évoquées précédemment expliquant le phénomène. Mais la recherche historique a récemment procédé à une réévaluation de ce jugement. Malgré la rareté des manuels et des outils indispensables, la pratique de l’astrologie s’est maintenue. Mieux encore, selon Valerie Flint[19], les autorités ecclésiales auraient encouragé l’astrologie pour contrecarrer des formes de divination jugées plus dangereuses. Cet intérêt pour l’astrologie pourrait avoir commencé dès le règne des Carolingiens[20]. Préoccupés par le paganisme des Saxons et des Slaves, ils auraient contribué à la réhabilitation de l’astrologie en mettant en place des « compromis contrôlés ».       

Par un paradoxe qui aurait surpris leurs auteurs, les condamnations contenaient les germes d’une réhabilitation de l’astrologie. Augustin avait admis que les astres pouvaient exercer quelque effet sur les corps… Isidore distinguait une composante « naturelle » de l’astrologie peut-être constatable en médecine… Avec l’introduction d’une « scientificité aristotélicienne », les amateurs d’astrologie pourraient désormais présenter leur activité comme « rationnelle ». Relevant de ce que nous nommerions « les sciences naturelles », ils l’estimeraient compatible avec la doctrine chrétienne.

La première grande vague d’influence de la civilisation arabe sur l’Europe latine est astrologique. Elle commence avec Adélard de Bath, qui voyage pour sa quête dans le domaine de la philosophie naturelle. Jean de Séville fusionne en un édifice majestueux l’astrologie et les doctrines aristotéliciennes. Désormais, les érudits latins disposent d’une nouvelle terminologie distinguant plus clairement les différentes sciences des astres : l’astronomie étant « la science des mouvements célestes », l’astrologie étant « la science des jugements des astres ».  En 1140, Hermann de Carinthie traduit à son tour de nombreux textes, dont le Livre des religions et des empires d’Albumasar. L’influence de ces deux hommes marque un tournant dans l’évolution intellectuelle du Moyen Âge. C’est par ces textes astrologiques que l’aristotélisme pénètre en Occident, au point de former la future ossature du thomisme.

Dans tout ce mouvement astrologique, c’est la personnalité d’Albumasar qui s’impose. Albumasar opéra la fusion de la science aristotélicienne avec le matériau hérité des astrologues d’Alexandrie, de Perse, de Babylone et de l’Inde. Il en résulta une vision du cosmos dominée par l’astrologie. Surtout, Albumasar expose et développe les théories liant les configurations astronomiques (au premier chef des deux planètes les plus lentes, Jupiter et Saturne, déjà rencontrées pour l’épisode des Mages) aux changements de dynasties et de religion. Nous y reviendrons.

Vers un compromis

La période médiévale de l’astrologie présente, à première vue, l’aspect d’un affrontement. Cependant, les contacts parfois assez rudes, les rencontres fructueuses, les mises au point opportunes révèlent la possibilité d’un compromis. Les auteurs des XIIe et XIIIe siècles doivent réconcilier l’affirmation des « influences » célestes avec le rejet manifesté antérieurement par la culture chrétienne.

Globalement, les érudits acceptent la place de l’astrologie dans la médecine, la météorologie et l’alchimie, tout en divergeant sur les effets des astres dans les comportements humains. Ne pouvant ni récuser les influences célestes ni le libre arbitre humain, nombre d’auteurs affirment l’astrologie en se réfugiant derrière des maximes telles que « Sapiens dominabitur astrum ». Ce compromis laisse ouvert le débat sur la proportion respective des influences célestes et du libre arbitre dans la réalité quotidienne.

S’il fallait décider avec compétence ce qui devait être accepté et ce qui devait être rejeté dans tous ces livres, la personne d’Albert le Grand, docteur de l’Église, ne pouvait pas être mieux choisie. La science d’Albert le Grand lui permit de rédiger le Speculum astronomiae[21] qui dut voir le jour vers 1250. S’il établit une nette distinction entre l’astronomie et l’astrologie, il affirme néanmoins qu’il s’agit de deux branches inséparables d’une unique « science des astres ». Les définitions d’Albert le Grand sont directement inspirées du chapitre ouvrant l’Introductorium maius d’Albumasar. L’astrologie est pour lui une science valide et utile.

Pour préserver le libre arbitre humain, Albert trace une ligne de démarcation entre le corps et l’âme. L’âme reçoit son essence de la cause première, différant en cela des substances inférieures. La volonté et la raison humaine sont ainsi libres de tout contrôle céleste, bien qu’un homme ne résistant pas à la chair puisse être finalement manipulé par les astres[22]. Dans le Speculum astronomiae et la somme De quattuor coaequaevis, il interprète les astres en tant que signes plutôt qu’en tant que causes[23]. Albert endosse aussi bien l’interprétation des nativités que des aspects plus opératifs. Il approuve les « élections », le choix du bon moment pour entreprendre une action, procédé par lequel les astrologues optimisent ou neutralisent les « déterminations astrales » natives. Dans le Speculum astronomiae, il affirme que refuser de choisir ce bon moment astrologique pour initier des actions, c’est agir contre la liberté de la volonté. Il va jusqu’à approuver le gravage d’images astrologiques sur des pierres[24] !

Thomas d’Aquin est plus ambigu qu’Albert le Grand et Roger Bacon. Quand Thomas d’Aquin évoque les corps célestes, ne voyons pas là une simple excroissance obsolète dans son œuvre théologique. Thomas Litt a montré le rapport de cette question avec des points essentiels, notamment le rapport entre l’acte et la puissance. Sa solution sera privilégiée jusqu’à nos jours par les auteurs ultérieurs, astrologues[25][26] ou pas. Mais l’ambiguïté de la solution thomiste ne cessera de poser problème[27]. Pierre d’Ailly utilisera les mêmes passages de la Summa theologiae pour attaquer l’astrologie dans les années 1380 et pour en recommander l’usage en 1419 !

L’astrologie est maintenant devenue partie intégrante de la pensée médiévale. Pensons à la carrière, au sein de la curie romaine, de savants du XIIIe siècle comme Guillaume de Moerbeke et Campanus de Novare. On verra, parmi les professeurs de la faculté des arts de l’université de Paris en 1378, le nom de Jean Durand, professeur d’astrologie. Interrogée sur l’épidémie de peste de 1347-1349, la faculté de médecine de Paris répond en l’attribuant à la triple conjonction de Jupiter, Saturne et Mars en Verseau, survenue le 20 mars 1345. Dans les années 1360, avec une dotation du roi Charles V, Maître Chrétien Gervais fonde un collège d’astrologie et de médecine à Paris.

Pour Guy de Chauliac comme pour nombre des médecins de son temps, la cause première de la peste noire est de nature astro-météorologique. Elle est à rechercher dans la grande conjonction de 1345[28]. De même, en 1382, dans son Tractacus de pestilentia, Raymond Chalmel de Viviers, médecin de plusieurs cardinaux et de Clément VII, se livre à une étude rétrospective dans laquelle il met en relation les épidémies de peste avec les configurations célestes.

L’astrologie officiellement tolérée à la cour pontificale au milieu du XIVe siècle n’est pas l’astrologie magique, celle des talismans et des images astrologiques. Mais l’être humain étant ce qu’il est, c’est par une « image » astrologique qu’Arnaud de Villeneuve avait en juillet 1301 guéri les coliques néphrétiques du pape Boniface VIII. Ce dernier ne manqua pas de l’en remercier… après l’avoir fait emprisonner[29] !

S’il n’est guère douteux que les grands de ce monde recoururent à des astrologues pour connaître le devenir de leur personne, ce n’est pas cette partie de l’astrologie « naturelle » qui passionna la cour pontificale sise à Avignon. En prise directe avec le contexte historique, le devenir du monde, l’astrologie dite « mondiale » fut au centre de l’attention. Ainsi que son outil principal, les conjonctions des planètes les plus lentes (Jupiter et Saturne) dont la périodicité avait été mise en correspondance avec les grands événements de l’histoire humaine par Albumasar.

3. Le cardinal Pierre d’Ailly et le grand schisme d’Occident

De 1309 à 1378, la papauté résida en Avignon, où elle était perçue comme une marionnette de la couronne de France. Le pape Grégoire XI rapatria le Saint Siège à Rome en 1377, mais il mourut en mars 1378. Pour succéder à Grégoire, et sous la pression de la population romaine, le collège des cardinaux élit l’archevêque italien de Bari sous le nom d’Urbain VI. Quatre mois plus tard, douze des seize cardinaux répudièrent l’élection d’Urbain et choisirent de lui substituer le français Robert de Genève, établi en Avignon, sous le nom de Clément VII. Les deux papes refusèrent de se retirer. Le schisme se poursuivit avec les successeurs de Clément. Le concile de Pise (1409), censé arbitrer entre les prétentions contradictoires, n’aboutit qu’à élire un troisième pape ; Alexandre V, vite relayé par Jean XXIII.

Les questions politiques n’étaient pas étrangères au Grand Schisme. La France et ses alliés soutinrent les papes d’Avignon, alors que l’Angleterre et l’Empire firent allégeance à Urbain et à ses successeurs. En 1415, le concile de Constance mettait un peu d’ordre. Grégoire XII abdiquait. Les antipapes Benoît XIII et Jean XXIII étaient déposés. En 1417, toujours à Constance, un conclave des cardinaux élisait Martin V.

Mais l’on oublie souvent que le Grand Schisme d’Occident fut principalement résolu par l’action d’un homme, Pierre d’Ailly. Allons à sa rencontre.

 La naissance

Pierre d’Ailly naquit en 1350 ou 1351[30] dans une famille bourgeoise aisée de Compiègne (son père était un boucher prospère). Il fit ses études à l'université de Paris. Au programme, les sept arts libéraux, dont l’astronomie. À cette époque, astronomie et astrologie forment une unique « science des astres » dans laquelle on distingue la « science des mouvements » (notre astronomie) et la « science des jugements » (notre astrologie). Pierre d’Ailly fut ordonné prêtre à l’âge de 27 ans. Il fut agrégé au corps des docteurs en théologie en avril 1381.

Les débuts de la carrière

Pierre d’Ailly était bachelier quand le Grand Schisme s’invita dans sa carrière. Âgé de vingt-huit ans lorsque la crise éclata (1378), il ne survécut que trois ans à sa résolution. Dès le début du schisme, Pierre d’Ailly s’était fait connaître par sa Lettre du démon Léviathan, qui réclamait la convocation d’un concile général pour mettre fin au schisme.

Écrivain infatigable, on ne lui attribue pas moins de 174 œuvres (livres, traités, lettres, sermons) couvrant une grande variété de sujets. Cependant, la plus grande partie de ses écrits est relative au Grand Schisme et à la réforme de l’Église. Il s’y montre partisan d’une certaine primauté du concile sur le pape.

Dans l’ordre intellectuel, Pierre d’Ailly a voulu répandre l’instruction parmi le clergé, chez les clercs en général, dans les couvents et dans le peuple. Il institua dans les églises des lecteurs en théologie dogmatique et morale et des docteurs en Droit Canon. Il corrigea l’office ecclésiastique. Outre son action dans la résolution du Grand Schisme, Pierre d’Ailly fut le promoteur de dévotions dont certaines (culte de saint Joseph, culte de la Trinité[31]) se sont imposées. Il s’est classé parmi les premiers avocats du futur dogme de l’Immaculée Conception.

L’œuvre scientifique

Pierre d’Ailly est enfin l’auteur de plusieurs écrits de vulgarisation scientifique (essentiellement de cosmographie), parmi lesquels son ouvrage géographique et encyclopédique, l’Imago mundi, surtout connu par le rôle qu'il joua dans la découverte des Indes occidentales.

Il y a quatre siècles et demi, Christophe Colomb croyait embarquer pour les Indes[32]. Jusqu’à sa mort, le Génois a prétendu avoir touché l’archipel oriental. Comme il l’expliqua à ses patrons Ferdinand et Isabelle d’Espagne, il ne restait que cent cinquante-cinq années à leur monde[33]. Avant que l’histoire ne parvienne à son terme, tous les peuples de la terre devaient être convertis au christianisme. Christophe Colomb pensait que Dieu l’avait missionné pour mener à bien cette conversion des nations. Christophe Colomb possédait un exemplaire de l’Imago mundi qu’il annota consciencieusement[34]. Mais Christophe Colomb commit une erreur lourde de conséquences : il décida de ne pas prendre en compte le mille arabe pour calculer la circonférence de la Terre, mais le mille italien de Sacrobosco. Alors que le calcul d’Al Farghani et Pierre d’Ailly concluait à une circonférence de 44148 km (la valeur moderne est de 40 075 km), Christophe Colomb conclut à une circonférence de 30 194 km. En allant vers l’ouest, il finirait par accoster en Inde…

Dans ses questions sur un classique de la Faculté des arts, le De sphera (c’est-à-dire la Terre) de Sacrobosco, Pierre d’Ailly dit qu’il paraît plus naturel que la Terre tourne autour du Soleil, devançant ainsi Copernic et Galilée.

Pierre d'Ailly s’intéressa à la réforme du calendrier julien. Au cours du mois de mars 1417, il proposa son projet de réforme du calendrier[35], projet qui sera repris plus tard et adopté en 1580 par Grégoire XIII, pour être appliqué à partir de 1582. 

Le théologien face aux prophéties

1414… Depuis près de quarante ans, la chrétienté latine est divisée en deux courants rivaux. En 1409, un concile réuni à Pise avait suscité de grands espoirs en déposant les deux papes et en élisant un nouveau. Mais les cardinaux furent excommuniés par les deux papes rivaux et la situation empira : il y eut alors trois papes... L’Europe était déchirée, la papauté affaiblie.

Avec sainte Hildegarde de Bingen († 1179), un courant prophétique hors contexte sacerdotal était apparu. Quelques années plus tard, Joachim de Flore († 1202) se vit reconnaître par les papes Lucius III et Urbain III la charge d’expliquer les Écritures dans un sens différent de celui de sa glose ordinaire. En 1378, les millénaristes pouvaient s’appuyer sur un argument de poids : le Grand Schisme accomplissait la prédiction d’une division, de la séparation du peuple.

« Que personne ne vous séduise d’aucune manière. Il faut que vienne d’abord l’apostasie et que se révèle l’Homme de l’impiété, le Fils de la perdition, celui qui se dresse et s’élève contre tout ce qu’on appelle Dieu ou qu’on adore, au point de s’asseoir en personne dans le temple de Dieu et de proclamer qu’il est Dieu[36]. »

Les prophéties relatives à la fin du monde étaient véhiculées par les Écritures (l’Apocalypse et Daniel surtout), mais aussi par d’autres traditions, comme la tradition juive qui veut qu’un jour de la création corresponde à un millénaire de l’histoire du monde. Et par des auteurs médiévaux comme le Pseudo-Méthode (VIIe siècle), Joachim de Flore († 1202) et Arnaud de Villeneuve († 1313) qui avait annoncé la venue de l’Antéchrist pour 1378. Or, le Grand Schisme éclata en 1378 ! La Peste de 1348 et l’éclatement du Grand Schisme en étaient les signes assurés. Dans cette atmosphère, le sentiment de Pierre d’Ailly – tout au moins avant 1410 – ne diffère pas de celui de ses contemporains : l’Antéchrist était déjà né et le Grand Schisme annonçait le début de la fin.

Le Grand Schisme annonce-t-il les derniers temps ?

Pierre d’Ailly s’interrogea sur la signification des événements. Dans les premières années du schisme, il avait accepté l’interprétation alors habituelle de 2 Thessaloniciens 2, 3[37] : une discessio précéderait la venue de l’Antéchrist. Il pouvait s’agir d’un schisme religieux, d’une soustraction d’obédience à l’autorité ecclésiastique. Les contemporains du Grand Schisme n’avaient-ils pas ce signe sous leurs yeux ?

Loin de se traduire par une précipitation apocalyptique des événements, le schisme s’éternise. Cette situation suggère que les derniers temps ne sont pas imminents. Si la paix était restaurée et l’Église réformée, l’Apocalypse serait repoussée. Comment s’en assurer ?

S’il est présomptueux de vouloir prédire des futurs contingents pour les individus, force est de constater que les collectivités exercent peu leur raison et leur volonté. Qu’il s’agisse d’institutions religieuses ou politiques, leurs comportements sont dominés par les instincts et les passions. Il en résulte que leur marge de libre-arbitre est de facto plus réduite que celle de chaque être humain considéré isolément. De plus, les sociétés attachées à un territoire en subissent d’autant plus l’influence des configurations planétaires. Le recours à l’astrologie mondiale pour étudier le comportement des collectivités est par conséquent techniquement possible.

Il est clair que le christianisme, d’origine surnaturelle, échappe à toute dépendance envers les phénomènes astronomiques. Les astres ne sont en rien la cause physique de l’Incarnation. Une fois de plus, le dilemme astres/signes ou astres/causes n’est jamais loin. Laissons Pierre d’Ailly nous l’expliquer : dans le cas du christianisme, si les astres ne sont en aucun cas les causes, ils peuvent être les signes. Car dans sa grande mansuétude, Dieu a veillé à inscrire dans la nature (et dans le ciel) l’Incarnation à venir.

Dans la pensée finale de Pierre d’Ailly, la puissance ordonnée de Dieu recouvre un champ extrêmement large. En matière de cause efficiente, des événements tels que le Déluge ou la naissance du Christ ont pu être préfigurés par des événements astronomiques (cause instrumentale), tout en étant voulus par Dieu seul (cause principale). La nature n’a fait que collaborer à cette œuvre divine. Le sens de l’œuvre divine peut être lu en observant la nature.

Homme d’action immergé dans la crise du Grand Schisme et les rivalités entre factions en France, Pierre d’Ailly chercha à comprendre les événements par des approches innovantes. Si les Écritures décrivaient « ce qui » devait se passer, elles n’indiquaient pas « quand » ça devait se passer. Pour répondre à cette question, il recourut aux moyens disponibles et licites : l’Écriture et les prophéties qu’elles contiennent, et plus tard l’astrologie.

Timidement en 1403 et de manière définitive à partir de 1410, Pierre d’Ailly révisa, grâce à l’astrologie, son interprétation du schisme. Déduisant que la fin des temps n’était pas imminente, il en vint à penser que le schisme pouvait être résolu. À la veille du concile de Constance, malgré l’échec du concile de Pise qui, tenu en 1409, n’avait fait qu’aggraver la situation, Pierre d’Ailly prêcha : le schisme n’annonçait pas la venue de l’Antéchrist, et l’Apocalypse serait précédée de configurations planétaires qui ne se produiraient pas avant deux ou trois siècles. Mettre un terme à la division de l’Église était un devoir et une nécessité ; il convenait d’agir.

Cette évolution de la pensée de Pierre d’Ailly soulevait de profondes questions philosophiques et théologiques.

Le premier problème concerne le rapport entre l’omnipotence divine et l’ordonnancement du monde[38]. Indépendamment de toute considération astrologique, si le monde est ordonné et donc prévisible, Dieu ne peut intervenir à sa guise, sauf à contredire l’ordonnancement dont il est l’auteur. Il se greffe sur cette question une conséquence : Dieu sait tout et embrasse dans un seul regard passé, présent et futur. Si Dieu peut agir pour modifier cet ordonnancement, son omniscience serait-elle limitée par ce pouvoir même ?

Le second problème concerne la nature des prophéties bibliques et leur interprétation. Les prophéties, et particulièrement celles de l’Apocalypse, sont rédigées sous forme de certitudes. Mais annoncent-elles ce qui surviendra inéluctablement ? Annoncent-elles ce qui surviendrait si l’homme ne fait rien pour qu’il en soit autrement ? Seraient-elles caduques si l’homme modifie son attitude[39] ? Le problème « libre arbitre ou déterminisme » ne concerne pas que les astrologues[40]

Le 10 mai 1414, d’Ailly termine le second traité de sa série, la Concordantia astronomie cum hystorica narratione que le Dr Giuseppe Nastri et moi avons traduit pour la première fois et que j’ai commenté. Dans le Vigintiloquium, il avait fixé l’âge du monde. Dans la Concordantia, il établit la chronologie de l’histoire humaine. De la création au Jugement dernier, il met en rapport les configurations célestes avec plusieurs événements majeurs. C’est ainsi que, par le jeu des transmissions de l’Inde aux Arabes, puis des Arabes aux latins, la date du Déluge est chez Pierre d’Ailly la même que celle du début du Kali Yuga indien !

Pour établir sa chronologie, Pierre d’Ailly s’appuie sur les enseignements d’Albumasar relayés par Roger Bacon. Il accorde la priorité aux grandes conjonctions de Jupiter et de Saturne (comme les Mages) et quelques autres procédés pour affiner (cycle de dix révolutions de Saturne notamment)[41]. Ces principes posés, la connaissance du mouvement des planètes devait permettre de dater approximativement la venue de l’Antéchrist.

En 1418, il annonce une nouvelle dissension dans l’Église à caractère religieux et théologique avant qu’un siècle soit écoulé. C’est-à-dire avant 1518.

« On peut, d’après ce qui précède, former vraisemblablement le soupçon qu’avant cent ans il se produira un grand changement dans les lois et les sectes, particulièrement au sujet de la loi de l’Église de Jésus-Christ[42]. »

Le conflit de Luther avec la papauté éclatera en 1517, à propos de l'indulgence décrétée par le pape Léon X pour favoriser la construction de la basilique Saint-Pierre, indulgence soutenue dans le Saint-Empire par l'archevêque-électeur de Mayence Albert de Brandebourg.

Mais Pierre d’Ailly cherche la date de la venue de l’Antéchrist, le moment où l’ordre des lois et de la religion sera bouleversé. Il annonce sa conclusion pour la première fois dans la Concordantia, qui date de 1414. Il reproduit le même passage en 1418, dans le De persecutionibus ecclesie. Pierre d’Ailly termine ce dernier texte par une date et un commentaire. La date, c’est « 1789 ». Le commentaire est le suivant :

« Si, écrivait-il, le monde dure jusqu’à cette époque, ce que Dieu seul sait, à cette date il y aura de nombreuses et importantes mutations et variations du monde, surtout en ce qui concerne les lois et l’allégeance religieuse. […]  De tout ceci, on peut conclure avec une certaine probabilité que vers ces temps viendra l’Antéchrist[43]. »

1789… Il y aura de nombreuses et importantes mutations et variations du monde, surtout en ce qui concerne les lois et l’allégeance religieuse… L’apparition de l’Antéchrist n’étant pas imminente, le Grand Schisme peut être résolu. Agissons. C’est ainsi que l’astrologie contribua peut-être à aider l’Église catholique !

Denis Labouré


[1] Cet exposé résume un Mémoire de master II (Théologie et Sciences religieuses) soutenu à l’Université de Lorraine en lien avec l’Université Pontificale saint Thomas d’Aquin de Rome. Le texte intégral se trouve dans le livre Astrologie et religion au Moyen Âge – De la guerre à la paix, Denis Labouré, Éd. Spiritualité Occidentale, Ostwald, 2018 ou dans la réédition de ce Mémoire par Domuni-Press (Dominican International University).

[2] Cf. Ruth 1, 1 ; 4, 11 ; 1 Sam 16, 1 ; Mi 5, 2.

[3] Cf. Lc 2, 2+ ; 3, 1+.

[4] Mt 2,1. Une expression identique est utilisée pour désigner le lieu d’où venait Balaam (Nb 23, 7). Des parallèles existent entre l’épisode des mages de Matthieu et l’histoire de Balaam : les deux sont associés à la divination, Balaam prophétise l’ascension du régent d’Israël en dépit de la malédiction de Balaq, roi de Moab (Nb 22-23) alors que les Mages cherchent le roi de juifs qui triomphera des intentions mortifères d’Hérode.

[5] Deux traductions possibles : nous avons vu son astre « à son lever », « se lever » ; ou, en suivant la Vulgate, « à l’orient », « au Levant ». La première traduction est celle de La Bible de Jérusalem (« à son lever ») ou Grosjean/Léturmy-La Pléiade (« nous avons vu son étoile se lever »). Elle est préférable à « en Orient » (Louis Segond), « à l’Orient » (TOB) ou « au Levant » (Chouraqui). La déclaration des Mages n’est pas une référence à une heure du jour. En témoigne la phrase « l’époque à laquelle l’astre apparaissait » (v. 7). Le « lever » dont il s’agit est le lever héliaque, lorsque l’astre se lève avant le Soleil tout en étant suffisamment distant de lui pour être enfin visible.

[6] Sur le lever héliaque des astres, cf. Robert HANNAH, Greek and Roman calendars, Londres, Duckworth, 2005, 11. Pour ce phénomène, le terme technique habituel était έπιτολἠ, mais ἀνατολἠ pourrait aussi être utilisé pour le lever héliaque ; ce qui semble être le cas en Mt 2, 2. Cf. GEMINOS, Introduction aux phénomènes, Belles Lettres, Paris, 1975, XIII, 3. La pratique babylonienne s’appuyait essentiellement sur le lever héliaque des astres (l’astre qui apparaissait le premier à l’horizon après le coucher du Soleil). Cette configuration, la première à apparaître au coucher du Soleil, était ainsi observée tout au long de la nuit, jusqu’au lever suivant du soleil.

[7] Cette hypothèse fut émise par J. Kepler. Parmi les hypothèses proposées, elle est la seule possible. Une comète ou une supernova aurait été mentionnée par d’autres peuples de l’époque. Cf. Neil F. MICHELSEN et Maria KAY SIMMS, Search for the Christmas star, ACS Publications, San Diego, 1988. L’hypothèse de la triple conjonction a été maintenue, avec quelques variantes, par Roger W. Sinnot (« Computing the star of Bethlehem », Sky and Telescope 72, 1986, pp. 632-35), Colin J. Humphreys (« The Star of Bethlehem – A comet in 5 B.C. – and the date of the birth of Christ », Quaterly Journal of the Royal Astronomical Society 32, 1991, pp. 389-407), et Struckrad, Ringen, pp. 555-586. L’annonce de la naissance d’une nouvelle dynastie ou d’un prophète par certaines conjonctions des deux planètes visibles les plus lentes (Saturne et Jupiter) sera centrale dans l’astrologie perse. Transmise à l’Europe latine par les Arabes, elle formera la base du raisonnement de Pierre d’Ailly.

[8] Mt 2, 1-12 a plusieurs parallèles dans la littérature ancienne. Citons principalement l’histoire d’Astyage (Hérodote, Histoires 1.107ff.), dernier roi des Mèdes qui consulte des Mages puis tente sans succès de faire tuer Cyrus, son successeur annoncé. Dans Is 45, 1, Cyrus est désigné comme « messie » devant qui viendront se prosterner des gens de toutes nations.

[9] Jr 6, 20 ; Ez 27, 22.

[10] 2 Co 12, 2.

[11] « Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l’œuvre de ses mains » (Ps 19, 2) ; « Depuis la création du monde, ses perfections invisibles, éternelle puissance et divinité, sont visibles par ses œuvres pour l’intelligence [...] » (Rm 1, 20).

[12] Sg 13, 5.

[13] EusÈbe, La Préparation évangélique, IX. 16, 17, 18, éd. Trad. E. des Places, SC 369, Paris, 1991, p. 232-241 ; cf. aussi ClÉment d’Alexandrie, Stromates, V, 8, éd. A. le Boulluec, trad. P. Voulet, SC 278, Paris, 1981, p. 36-39, comm. A. le Boulluec, p. 58-59.

[14] Cf. Ac 7, 22. Philon et Clément précisent que cette paideia (éducation) avait inclus l’astrologie : Philon d’Alexandrie, De vita Mosis, I-II, éd. Trad. R. Arnaldez – C. Mondésert – J. Pouilloux – P. Savinel, Paris, 1967, p. 155.

[15] « Très admiré par eux dans leurs réunions comme un homme extrêmement intelligent et fort habile non seulement à concevoir, mais aussi à convaincre ceux qu’il tentait d’instruire, il [Abram] leur fait connaître l’arithmétique et leur transmet ses notions en astronomie, car avant l’arrivée d’Abram, les Égyptiens étaient dans l’ignorance de ces sciences : elles passèrent donc des Chaldéens à l’Égypte, pour parvenir jusqu’aux Hellènes » (Flavius JOSÈPHE, Antiquités Judaïques, 1, 8, 2), http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/juda1.htm (accès le 12 mars 2017).

[16] Cf. De vita Mosis I, 23.

[17] Cf. Plotin, Les Ennéades, t. I, 1857, Ennéade II, liv. III, § 7 ; et t. II, 1859,  Ennéade III, liv. I, § 6. En ligne sur http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/plotin/table.htm (accès le 12 mars 2017).

[18] Selon Scot Érigène, tous les êtres créés sont des lumières. Chaque chose, même la plus humble, n’est au fond qu’une veilleuse où luit, si faiblement que ce soit, la lumière divine. Faite de cette multitude de petites lampes, la création est une illumination destinée à faire voir Dieu. L’univers cesserait d’être si Dieu cessait de rayonner.

[19] Valerie I. J. FLINT, The rise of magic in early medieval Europe, Princeton University Press, Princeton (J. J.), 1991, p. 93, 97.

[20] Ibid., p. 142.

[21] Valère Lemay, dans un appendice (p. 163-164), réfute la tentative par laquelle Mandonnet (Revue Néo-Scolastique de Philosophie, 17 – 1910 – 313 ss.) enlève, sur la foi d’autorités tardives, le Speculum astronomiae à Albert pour l’attribuer à Roger Bacon. À propos de cette paternité du Speculum astronomiae, Thomas Litt note que « le P. Mandonnet, dans un article de la Revue Néoscolastique (1910, p. 328-329) a cru pouvoir… déclarer que Roger Bacon est le seul théologien de son temps qui ait cru à l’astrologie. (C’est pourquoi il doit être l’auteur du Speculum astronomiae !) » (LITT 1963, p. 21-22).

[22] Ibid., p. 584.

[23] « Astra habent vim et rationem signi super ea quae sunt in materia transmutabili et etiam super illa quae sunt olbligata ei » (De quattuor coaequaevis, tr. III, q. 18, art. I ; éd. JAMMU, Lyon, 1651, XIX, p. 75b. Cité par ZAMBELLI 1982, p. 144.

[24] Lynn Thorndike, A history of magic and experimental science during the first thirteen centuries of our era, Volume 2, Columbia University Press, New York, 1923, p. 587-88.

[25] Parmi les astrologues, citons Jean-Baptiste Morin (1583-1656), professeur de mathématiques au Collège Royal, qui développe la solution thomiste dans son Astrologia gallica, particulièrement les premier et deuxième livres. Parmi les modernes, citons Paul Choisnard, Saint Thomas d’Aquin et l’influence des astres, Félix Alcan, Paris, 1926. Parmi les hommes d’Église, citons Charles de Condren, second Général de l’Oratoire. Il écrit en 1640 que l’astrologie est une « science » qui peut être « traitée utilement », mais avec certaines précautions. Car « les cieux et les astres sont causes physiques, qui par conséquent n’ont puissance ou influence directement que sur les choses qui sont de nature physique » (Cinquiesme discours sur l’astrologie, Paris, A. Vitray, 1643, p. 237).

[26] Les vues de Thomas d’Aquin sur les astres se trouvent, entre autres, dans la Summa theologiae, Ia q. 115, a. 4 ; et IIa IIae, q. 95, a. 5 ; la Summa contra gentiles, III chap. 84. Quand Thomas d’Aquin évoque les corps célestes, ne voyons pas là une simple excroissance obsolète dans son œuvre théologique. Thomas Litt a montré le rapport de cette question avec des points essentiels, notamment le rapport entre l’acte et la puissance.

[27] Les astrologues eurent conscience du problème, et les plus sincèrement chrétiens d’entre eux savaient que la solution thomiste ne reflétait pas leur expérience. Jean-Baptiste Morin, déjà cité, consacre les deux premiers livres - et d’importantes parties des suivants - de son Astrologia gallica à la solution thomiste. L’auteur, qui revendique avec sincérité un catholicisme parfaitement orthodoxe, se laisse aller à écrire des phrases qui expriment la contradiction entre la solution théorique et son expérience, par exemple dans le liv. XXI, partie 2, chap. 15. Cf. Henri Selva, La théorie des déterminations astrologiques de Morin de Villefranche, L. Bodin, Paris, 1902.

[28] Guy de Chauliac, Grande chirurgie, Éd. E. Nicaise, Paris, 1890, p. 171-172.

[29] Cf. H. Finke, Aus den Tagen Bonifaz VIII. Funde und Forschungen, Münster, 1902, 205-207 et XXX-XXXI ; B. Delmas, « Médailles astrologiques et talismaniques dans le midi de la France (XIIIe-XVIe siècle) », Actes du 96e Congrès national des Sociétés savantes (Toulouse, 1971), Archéologie occitane, Moyen Âge et époque moderne, II, Paris, 1976, 437-454, notamment 450.

[30] « Ego siquidem per 5 circiter annos post dictam coniunctionem natus sum » (Je suis né environ cinq ans après cette conjonction [du 14 mars 1345]), in d’Ailly 1490, chap. 57, fol. [d7r]. La Concordantia fut publiée pour la première fois en 1414.

[31] « C’est à la suite d’un sermon prononcé par d’Ailly en présence du pape Benoît XIII à Gênes, en 1405, que ce dernier institua une fête de la Trinité dans laquelle notre auteur trouvait une triple vertu : identité dans l’action du Saint-Esprit, grâce que chaque chrétien en reçoit et catholicité de cette influence dans l’Église universelle. Ces attributs firent une vive impression sur le Pontife. À l’appui de sa requête pour l’institution de ce culte spécial d’Ailly faisait les considérations suivantes : ‘’afin que par l’assistance et l’intervention de la sainte Trinité les fidèles obtiennent l’extirpation du schisme et l’avènement de la paix et de l’unité de l’Église’’ » (Ludovico SALEMBIER, Petrus de Alliaco, J. Lefort, Lille, 1886, p. 223).

[32] « Il [Pierre d’Ailly] a médité sur les écrits d’Oresme, sur les théories formulées par le génial Bacon, sur les idées d’Aristote et de Sénèque, sur la proximité de l’Inde et de l’Espagne. Il insiste tellement sur ce dernier point que Colomb en sera comme illuminé. ‘’La terre est sphérique et l’océan occidental est relativement petit. Aristote prétend, contre Ptolémée, que plus du quart de l’univers est habité, et Averroès soutient la même opinion. Le Stagirite affirme encore que la mer est petite, entre la côte d’Espagne à l’Occident et les rivages de l’Inde à l’Orient. Il ne s’agit pas de l’Espagne actuelle, mais de l’Espagne ultérieure qui est l’Afrique. Sénèque assure que l’on peut traverser cette mer en peu de jours, si le vent est favorable.’’ Etc. Le VIIIe chapitre de l’Ymago produit chez le Découvreur une influence qui détermine peut-être son dessein. Quand d’Hispaniola il écrira aux Souverains, ce sera pour redire ou recopier presque mot pour mot la page révélatrice de d’Ailly sur l’étroitesse de l’Océan… » (Edmond BURON, Ymago Mundi de Pierre d’Ailly : texte latin et traduction française des quatre traités cosmographiques de d’Ailly et de notes marginales de Christophe Colomb : étude sur les sources de l’auteur, 3 volumes, Maisonneuve Frères, Paris, 1930, p. 108-109).

[33] Pauline MOFFIT WATS, « Prophecy and Discovery : On the Spiritual Origins of Christopher Columbus’s ‘’Entreprise of the Indies’’ », American Historical Review 90 (1985), p. 93-99, citant le Libro de las Profecias de Colomb et la lettre préliminaire à Ferdinand et Isabelle.

[34] « Le livre de d’Ailly est rempli de postilles manuscrites de Colomb relatives à des questions astronomiques de ce genre, aux calendriers arabes, aux tables alphonsines, à la grande année, au double mouvement des planètes, au déplacement de l’équateur ou précession des équinoxes, à l’angle du Soleil et à la date de Pâques, etc. » (Buron 1930, p. 21).

[35] « D’Ailly est toujours en avance. La durée de l’année selon son plan, avait quatre secondes de plus que celle de l’année grégorienne d’aujourd’hui. ‘’L’année grégorienne est trop longue encore de 20 secondes, et vers l’an 5600, cette erreur sera sensible, car elle atteindra un jour ; l’année de Pierre d’Ailly était trop longue de 24 secondes, et il eût fallu aviser à une correction dès l’an 5000 !’’ (SALEMBIER 1886, p. 192-194. note). Le savant lillois qui a fourni au chanoine Salembier une note critique sur le projet de réforme du calendrier de d’Ailly ajoute cette phrase, que si l’Église n’avait pas été déchirée par le schisme, il est fort probable que le cardinal d’Ailly eût été le réformateur du calendrier » (BURON 1930, p. 91).

[36] 2 Th 2-4.

[37] « Que personne ne vous séduise d’aucune manière. Il faut que vienne d’abord l’apostasie et que se révèle l’Homme de l’impiété, le Fils de la perdition… »

[38] Cf. William J. COURTENAY, « Covenant and causality in Pierre d’Ailly », Speculum 46, 1971, The University of Chicago Press, p. 94-119. L’auteur développe les rapports de la potentia absoluta et de la potentia ordinata chez Pierre d’Ailly (surtout tels qu’ils apparaissent dans son commentaire des Sentences) et leurs conséquences sur le salut, les sacrements, etc.

[39] Dans la parabole des vignerons assassins (Lc 20, 9-15), le « Que faire ? » (Lc 20, 13) du vigneron (cf. Jn 15, 1) est suivi d’un « peut-être » (ou d’une traduction similaire dans la TOB) exprimant la connaissance que Dieu a des futurs assassins, de leur psychologie, de leurs projets. Le vigneron ne se résigne pas à croire que ces hommes s’abandonneraient à de telles extrémités ; il préfère en douter. Il y a donc une chance pour qu’ils s’en abstiennent. Ce « peut-être », qui n’apparaît qu’une fois dans le Nouveau Testament, fait écho au conditionnel des prophéties devant les réactions possibles d’une créature libre.

[40] Pierre d’Ailly n’a jamais employé l’argument de la potentia absoluta sous sa forme la plus radicale, selon lequel Dieu peut, en vertu de son omnipotence, sans contradiction, accepter un pécheur privé de toute grâce et dépourvu de tout mérite. Par sa potentia absoluta, Dieu peut faire tout ce qui n’implique pas une contradiction interne (Sent. I, qu. 13, art. 1 C, f. 159r : « … omne quod fieri non implicat contradictionem deus possit de sua absoluta potentia facere ».). Par sa potentia ordinata, Dieu a agencé un ordonnancement du monde. Avec une auto-limitation : rien dans cet ordonnancement ne peut contredire une vérité de l’Écriture (D’AILLY, Quaestiones super libros sententiarum cum quibusdam in fine adjunctis (Strasbourg : n. p., 1490 ).

[41] En traduisant la Concordantia et en revenant à se sources, nous avons reconstitué le raisonnement astrologique de Pierre d’Ailly. À des yeux du XXIe siècle, il apparaît bancal car s’appuyant – comme celui d’Albumasar - sur le mouvement moyen des planètes.

[42] De persecutionibus ecclesie, conclusion.

[43] Concordantia 60.

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