Ermite de Roquebrune-sur-Argens (Var).
Audio de 41 minutes.
Février 2018, en quittant Frère Antoine, j'ai voulu lui serrer la main. Comme pour mon arrivée dans sa chambre une heure auparavant, il a joint ses deux mains de son côté en rajoutant cette fois :
"Non pas de poignée de main! Un salut comme en Inde."
Devant mon visage étonné, il a rajouté avec un grand sourire :
"Est ce que la Vierge Marie a tendu la main à Bernadette Soubirous, à Lourdes ? Certainement que non, sinon elle serait tombée la pauvre petite."
Pas de poignée de main et encore moins d'embrassade donc, juste une inclinaison mains jointes comme entre moines et aussi en Inde. Ce fameux "Namasté" ("le divin qui est en moi salue le divin qui est en toi") si simple et respectueux (et aussi hygiénique).
Yann-Erick
Frère Antoine est parti rejoindre "Papa Yoga" le 22 octobre 2021 |
« Frère Antoine faisait sentir une présence avec trois fois rien »
Tribune du journal "La Croix" de Mathieu Yon (1/11/2021)
Frère Antoine, l’ermite de Roquebrune-sur-Argens (Var), s’est éteint après 50 années de vie dans une grotte où il lisait et priait quand des randonneurs ne venaient pas à sa rencontre. Son ami Mathieu, dans la famille duquel Frère Antoine a fini sa vie, raconte les derniers instants d’un « esprit vif et lumineux ».
Je me souviendrai longtemps de ce trajet en voiture, de la maison de retraite de Roquebrune-sur-Argens à notre petite maison de Dieulefit. Il faisait nuit, nous étions au tout début du mois de novembre 2020. Dans le coffre de la voiture, deux petits sacs avec des livres et des vêtements. Pour frère Antoine, chaque déménagement était une occasion de s’alléger.
Je ne savais pas qu’il était possible de quitter un Ehpad à 97 ans. Quand il m’a demandé si nous pouvions l’accueillir chez nous, j’ai dit oui sans réfléchir. Dans ce trajet en voiture complètement improbable, il y avait un vent de liberté. Une prise de risque aussi. La direction de l’Ehpad avait été très claire : en pleine épidémie de Covid, si frère Antoine passait le portail, il ne pourrait pas revenir. Mon vieil ami ne semblait pas s’en inquiéter. Après trois heures de route, nous arrivâmes à Dieulefit. Il découvrit sa chambre pour la première fois, au rez-de-chaussée de notre maison de village donnant sur la rue. Il posa une tasse, un réveil, une présence. Frère Antoine faisait sentir une présence avec trois fois rien. Il rendait tangible l’épaisseur de la durée, et donnait l’impression de regarder le temps comme d’autres regardent un paysage.
Pendant un an, avec mon épouse Julie et nos deux enfants, notre vie s’est organisée autour de la présence de frère Antoine. La préparation des repas, la lecture quotidienne de l’Évangile, et nos petits rituels : fermer les rideaux de sa chambre le soir et lui faire une bouillotte, prendre un café avec lui après avoir posé les enfants à l’école. Les jours passaient avec une étonnante simplicité.
Quand il a commencé à perdre des capacités motrices, nous avons demandé le soutien d’une équipe d’infirmiers libéraux, puis d’une équipe de soins palliatifs. Nous nous sommes parfois demandé si nous serions capables de l’accompagner « jusqu’au ciel », comme il aimait le dire. Nous avons eu des moments de doute, mais à chaque fois nous avons gardé cette confiance folle et imprenable. Sa place était là, dans cette chambre donnant sur la rue et ouvertes aux rencontres aléatoires.
Quelques semaines avant sa mort, son état s’était fortement dégradé. Alité toute la journée et toute la nuit, il parvenait à peine à boire une soupe, un café. Mais son esprit restait toujours vif et lumineux. Il avait toujours une phrase, un geste, un sourire, pour balayer les pensées tristes. Et s’il n’y arrivait pas, j’appelais les enfants qui venaient jouer avec son déambulateur, chanter des chansons et lui redonner le sourire. Jusqu’à la fin, il porta une grande attention à la relation. Mais le plus impressionnant peut-être, c’était son absence totale de distraction et de divertissement. Pas de télé, pas de radio, pas de musique, et assez rapidement pas de lecture. Frère Antoine trouvait sa joie dans ce qui était à la portée de tous : le fil quotidien et continu d’une présence pauvre et dépouillée.
Les trois derniers jours avant sa mort, j’ai très peu dormi. Sa respiration était difficile pendant son sommeil, et il n’arrivait plus à soulever la tasse pour boire une gorgée d’eau. L’agonie commença le matin. Julie alla chercher nos enfants à la sortie de l’école pour les amener chez mes parents. La maison était silencieuse. Je partis me reposer quelques instants dans ma chambre, située juste au-dessus de la sienne, séparée par quelques lames de plancher. Je tendis l’oreille. Sa respiration devenait de plus en plus faible. Je redescendis auprès de lui. Il était calme. Plus de douleur, plus de gémissement, juste un souffle ténu comme la flamme d’une bougie. Il commença à faire des pauses respiratoires, courtes, et de plus en plus longues. Dans ces pauses, on aurait dit qu’il respirait ailleurs, dans une autre pièce invisible à l’œil nu. Son visage changea, ses yeux se creusèrent. Je récitais le Notre Père, un chant à Notre Dame. Une larme, une seule, coula sur sa joue. Sa respiration s’arrêta à nouveau. Elle ne recommencerait pas.
La mort est d’une simplicité incroyable. Un souffle qui commence. Un souffle qui s’arrête. Et la vie qui ne s’arrête pas.
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" Frère Antoine faisait sentir une présence avec trois fois rien "
Frère Antoine, l'ermite de Roquebrune-sur-Argens (Var), s'est éteint après 50 années de vie dans une grotte où il lisait et priait quand des randonneurs ne venaient pas à sa rencontre. Son am...
Plus d'Infos :
- Article provenant du blog de Michel Sorin, datant du 31 août 2013:
Frère Antoine, mayennais d'origine,
ermite du Rocher de Roquebrune
Cet homme d’esprit sait vivre avec peu et se faire aimer
On n’oublie pas une rencontre avec Frère Antoine chez lui, dans cette partie du Rocher* qu’il a squattée depuis 1966 et aménagée à son goût. Il sait accueillir simplement et gentiment, échanger des propos avec humour, raconter des anecdotes sur sa vie autant que des réflexions de fond.
Le Rocher de Roquebrune (Var) est un amas de rochers rouges, isolé au milieu de la plaine où coule l’Argens, qui sépare les Maures et l’Estérel. Les Maures, massif cristallin aux formes très arrondies, recouvertes d’immenses forêts. L’Estérel, massif volcanique, avec ses falaises de couleur rouge. Lire la présentation qui est faite dans le livre « Roquebrune au fil du temps »
J’avais pour ma visite une raison particulière : nous sommes originaires du même canton en Mayenne (Cossé-le-Vivien) et son nom, Louis Chauvel, m’avait fait penser à cette famille de Cuillé, près de La Guerche-de-Bretagne, qui a exercé des responsabilités électives (mairie, coopérative agricole, notamment). Louis, né en 1923, était le 11ème d’une famille paysanne de 12 enfants.
Sa vie a été racontée dans un livre « Le Paradis, c’est ici » (éditions du Châtelet) et des extraits significatifs ont été publiés dans Vie et spiritualité de Frère Antoine.
Voir aussi Frère Antoine (ermite) - Wikipédia et Ermite du rocher - Lengele.fr
- Vidéo réalisée par Jacques Bourgarel en 2016 :
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Frère Antoine Ermite dans le rocher de Roquebrune
Il existe des êtres autour de nous d'une grande et belle beauté simple. Si un jour vous passez dans le Var, prêt de Roquebrune, allez dire un petit bonjour à Frère Antoine, ermite du rocher de...
https://www.yoga-darshan.com/frere-antoine/frere-antoine-roquebrune.php
- Durant cet entretien, Frère Antoine différencie clairement l'être humain de l'animal. Pas de quoi crier au spécisme pour autant dont voici cependant la définition :
Spécisme: n. m. du latin species (espèce).
Idéologie qui postule une hiérarchie entre les espèces.
La supériorité de l'être humain sur les animaux.
"la lutte contre le spécisme, c'est l'extension du principe d'égalité au monde animal "
Le petit Robert
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BLOG - Soyons précis sur la définition de spécisme
Dans sa dernière édition, le dictionnaire Robert a intégré les termes "spécisme" et "antispécisme", reconnaissant ainsi que leur emploi dans la langue se popularise. Que signifient exactement...
Mardi 13 février 2018.
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